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« Dans les rues, on ne voit que des musulmans ! »

Esclavage délié et appartenance urbaine en Méditerranée espagnole aux xviie et xviiie siècles

Published online by Cambridge University Press:  25 April 2024

Thomas Glesener
Affiliation:
Aix-Marseille Université thomas.glesener@univ-amu.fr
Daniel Hershenzon
Affiliation:
University of Connecticut daniel.hershenzon@uconn.edu

Résumé

En 1717, une plainte anonyme adressée au roi d’Espagne s’alarmait du nombre excessif de musulmans vivant à Carthagène (Murcie). Cette supplique déclencha une enquête du Conseil de Castille destinée à recenser les musulmans et à clarifier leur statut. Outre les esclaves des galères royales, l’enquête pointa tout particulièrement les libertinos, une catégorie méconnue d’esclaves privés résidant et travaillant librement dans la ville tout en étant lourdement endettés vis-à-vis de leurs maîtres en raison des sommes dues pour leur propre rachat. Cet article reconstitue la condition de ces esclaves déliés de leurs maisonnées et met au jour les tensions qu’elle suscita entre des normativités concurrentes. D’une part, le droit des esclaves à travailler pour financer leur affranchissement, tout comme celui des maîtres à vivre des rentes placées sur ces personnes étaient profondément ancrés dans les coutumes locales. D’autre part, en raison de l’augmentation de l’insécurité le long des côtes, les autorités locales et la couronne œuvrèrent à restreindre cet enchevêtrement de droits en obligeant les maîtres à garder leurs esclaves chez eux. Ce conflit entre des régimes d’esclavage différents, l’un inscrit dans les droits locaux, l’autre adossé à la juridiction royale, eut pour enjeu l’accès des esclaves au marché du travail, à la libre résidence ou encore aux protections dispensées par le droit des contrats. En faisant de l’enquête elle-même le nœud problématique de la recherche, cet article interroge le sens d’une procédure qui, en recensant les esclaves, procédait moins à un dénombrement démographique, qu’à une redistribution des droits de cité entre des habitants musulmans.

Abstract

Abstract

In 1717, an anonymous petition to the King of Spain expressed concern about the excessive number of Muslims living in Cartagena (Murcia). This complaint prompted the Council of Castile to launch a survey of the Muslim population with the aim of clarifying their status. In addition to galley slaves, the inquiry focused in particular on libertinos, a little-known category of slaves who lived and worked freely in the city but were heavily indebted to their masters because of the sums owed for their ransom. This article reconstructs the condition of these unbound slaves, who lived apart from their masters’ households, and the tensions this provoked between competing systems of norms. On the one hand, the right of slaves to work to finance their own redemption, and that of their masters to live off the rents imposed on them, were deeply rooted in local custom. On the other, rising insecurity along the coast prompted local authorities and the Crown to restrict these overlapping rights by forcing masters to keep their slaves at home. At stake in this conflict between different slavery regimes, the one based on local law and the other on royal jurisdiction, were slaves’ access to the labor market and their right to free residency and the protections afforded by contract law. Finally, by placing the inquiry itself at the heart of the study, the article investigates the meaning of a procedure that was less a demographic enumeration of slaves than a redistribution of rights to the city among its Muslim inhabitants.

Type
Captivité et esclavage
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

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Des versions préliminaires de ce texte ont bénéficié des commentaires suggestifs de Danna Agmon, Isabelle Grangaud, Paulin Ismard, Hayri Gökşin Özkoray, Natividad Planas et Jean-Paul Zuñiga. Cette recherche doit aussi beaucoup aux travaux menés dans le cadre de l’ouvrage collectif en deux volumes : Jocelyne Dakhlia et Bernard Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe, vol. 1, Une intégration invisible, Paris, Albin Michel, 2011, et Jocelyne Dakhlia et Wolfgang Kaiser (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe, vol. 2, Passages et contacts en Méditerranée, Paris, Albin Michel, 2013.

References

1 Madrid, Archivo Histórico Nacional (ci-après AHN), Consejos, Leg. 147, fol. 1r-2v, Les pauvres de la ville de Carthagène au roi, [juill. 1717].

2 Rafael Torres Sánchez, « Componentes demográficos de una ciudad portuaria en el Antiguo Régimen : Cartagena en el siglo xviii », in I concurso de historia de Cartagena «  Federico Casal  », Carthagène, Ayuntamiento de Cartagena, 1986, p. 30-31.

3 Ce terme, dérivé de moro , désigne « une multitude de Maures ». Sebastián de Covarrubias Orozco, Tesoro de la lengua Castellana o Española , Madrid, Luis Sanchez, 1611, p. 556.

4 AHN, Consejos, Leg. 147, fol. 2r, Les pauvres de la ville de Carthagène au roi, [juill. 1717].

5 AHN, Consejos, Leg. 147, fol. 2r, Les pauvres de la ville de Carthagène au roi, [juill. 1717].

6 AHN, Consejos, Leg. 147, fol. 2v, Les pauvres de la ville de Carthagène au roi, [juill. 1717].

7 Pour une vue d’ensemble de la condition des musulmans en Espagne avant et après les décrets d’expulsion des morisques, voir Bernard Vincent, « Les musulmans dans l’Espagne moderne », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe , vol. 1, op. cit. , p. 611‑634.

8 Lorsqu’il n’était pas possible de préciser la condition ou la provenance des personnes désignées comme moro/a , nous avons fait le choix de traduire ce terme non par sa traduction littérale à connotation coloniale, « maure », mais par « musulman », un terme dont l’usage a subi en France une essentialisation comparable. Nous n’utilisons donc pas ce terme comme une catégorie d’analyse neutre mais, conscients des significations qu’il revêt aujourd’hui, comme catégorie de la pratique en contexte européen susceptible de restituer au plus près l’assignation véhiculée par le terme moro . Voir à ce sujet Rogers Brubaker, « Categories of Analysis and Categories of Practice: A Note on the Study of Muslims in European Countries of Immigration », Ethnic and Racial Studies , 36-1, 2013, p. 1‑8 ; Marie-Claire Willems, Musulman, une assignation ? , Bordeaux, Éd. du Détour, 2023.

9 Ce présupposé a fait l’objet d’une critique dans Jocelyne Dakhlia, « Les musulmans en Europe occidentale au Moyen Âge et à l’époque moderne : une intégration invisible », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe , vol. 1, op. cit. , p. 7‑29.

10 Francisco Fernández y González, « De los moriscos que permanecieron en España después de la expulsión decretada por Felipe lII », Revista de España , 19, 1871, p. 103‑114 et 20, 1871, p. 363-376.

11 Antonio Domínguez Ortiz, « La esclavitud en Castilla durante la Edad Moderna », Estudios de Historia Social de España , 2, 1952, p. 369‑428.

12 Eloy Martín Corrales, Muslims in Spain, 1492-1814: Living and Negotiating in the Land of the Infidel , Leyde, Brill, 2021.

13 Edoardo Grendi, Lettere orbe. Anonimato e poteri nel Seicento genovese , Palerme, Gelka, 1989 ; Cecilia Nubola, « Supplications between Politics and Justice: The Northern and Central Italian States in the Early Modern Age », International Review of Social History , 46-S9, 2001, p. 35‑56 ; James E. Shaw, « Writing to the Prince: Supplications, Equity and Absolutism in Sixteenth-Century Tuscany », Past & Present , 215, 2012, p. 51‑83 ; Simona Cerutti et Massimo Vallerani, « Suppliques. Lois et cas dans la normativité de l’époque moderne – Introduction », L’Atelier du Centre de recherches historiques , 13, 2015, https://doi.org/10.4000/acrh.6545.

14 Maximiliano Barrio Gozalo, « La mano de obra eslava en el arsenal de Cartagena a mediados del Setecientos », Investigaciones históricas : Época moderna y contemporánea , 17, 1997, p. 79‑100 ; Thomas Glesener et Daniel Hershenzon, « The Maghrib in Europe: Royal Slaves and Islamic Institutions in Eighteenth-Century Spain », Past & Present , 259-1, 2023, p. 77‑116. L’implantation des galères à Carthagène, en attirant des officiers, des soldats et de nombreux artisans, favorisa le décollage démographique de la ville, qui passa de 3 000 à 7 000 habitants entre 1660 et 1700. Rafael Torres Sánchez, Aproximación a las crisis demográficas en la periferia peninsular. Las crisis en Cartagena durante la Edad Moderna , Carthagène, Concejalía de Cultura, 1990, p. 20.

15 Juan José Sánchez-Baena, Pedro Fondevila-Silva et Celia Chaín-Navarro, « Los libros generales de la escuadra de galeras de España : una fuente de gran interés para la historia moderna », Mediterranea. Ricerche storiche , 9-26, 2012, p. 577‑602.

16 Maximiliano Barrio Gozalo, Esclavos y cautivos. Conflicto entre la cristiandad y el islam en el siglo xviii , Valladolid, Junta de Castilla y León/Consejería de Cultura y Turismo, 2006, p. 165‑167.

17 André Zysberg, Les galériens. Vies et destins de 60 000 forçats sur les galères de France, 1680-1748 , Paris, Éd. du Seuil, 1987, p. 117‑148 ; Cesare Santus, Il « turco » a Livorno. Incontri con l’Islam nella Toscana del Seicento , Milan, Officina Libraria, 2019 ; Gül Şen, « Galley Slaves and Agency: The Driving Force of the Ottoman Fleet », in S. Conermann et G. Şen (dir.), Slaves and Slave Agency in the Ottoman Empire , Göttingen/Bonn, V&R Unipress/Bonn University Press, 2020, p. 131‑166.

18 Beatriz Alonso Acero, Orán-Mazalquivir, 1589-1639. Una sociedad española en la frontera de Berbería , Madrid, Consejo superior de investigaciones científicas, 2000. Située à une journée de navigation, Carthagène perdait avec Oran un partenaire commercial qui avait assuré sa prospérité en tant que plaque tournante du marché des fournitures et de l’approvisionnement. Sur les circonstances de la conquête d’Oran dans le cadre de la guerre de Succession d’Espagne (1700-1714), voir Antoine Sénéchal, « El cambio dinástico, la Guerra de Sucesión y la defensa del presidio de Orán y Mazalquivir (1700-1708) », Vegueta. Anuario de la Facultad de Geografía e Historia , 16, 2016, p. 335‑358.

19 Felipe Maíllo Salgado, « The Almogataces : A Historical Perspective », Mediterranean Historical Review , 6-2, 1991, p. 86‑101 ; Luis Fernando Fé Canto, « Oran (1732-1745). Les horizons maghrébins de la monarchie hispanique », thèse de doctorat, EHESS, 2011, p. 438‑472.

20 Depuis 1663, le gouverneur d’Oran avait l’autorisation de délivrer des passeports pour les moros de paz souhaitant se rendre en Espagne. Antoine Sénéchal, « Par-delà le déclin et l’échec, une histoire aux confins de la Monarchie Hispanique. Le préside d’Oran et de Mers el-Kébir des années 1670 aux années 1700 », thèse de doctorat, EHESS, 2020, p. 537.

21 En Espagne, à l’époque moderne, les villes ne possédaient pas d’esclaves, mais elles pouvaient mobiliser des esclaves privés pour des tâches d’intérêt public (construction de route, déblaiement, gestion des épidémies, etc.). Voir un exemple dans Juan Jesús Bravo Caro, « Esclavos al servicio de la comunidad », Baetica. Estudios de Historia Moderna y Contemporánea , 2-28, 2006, p. 395‑412.

22 L’historiographie espagnole a longtemps considéré que la majorité des affranchissements était gratuite et résultait d’un acte charitable envers des esclaves vertueux. Cette perspective a été remise en question par des travaux qui ont souligné le caractère massif des libérations contre paiement, lesquelles pouvaient représenter jusqu’à deux tiers de l’ensemble des affranchissements. Aurelia Martín Casares, La esclavitud en la Granada del siglo xvi. Género, raza y religión , Grenade, Universidad de Granada, 2000, p. 435‑448. La bibliographie sur l’esclavage dans la péninsule Ibérique est immense. Parmi les œuvres majeures, voir Alfonso Franco Silva, La esclavitud en Andalucía, 1450-1550 , Grenade, Universidad de Granada, 1992 ; Rocío Periáñez Gómez, Negros, mulatos y blancos. Los esclavos en Extremadura durante la Edad Moderna , Badajoz, Diputación de Badajoz, 2010 ; Arturo Morgado García, Una metrópoli esclavista. El Cádiz de la modernidad , Grenade, Universidad de Granada, 2013 ; Manuel Gómez de Valenzuela, Esclavos en Aragón, siglos xv al xvii , Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2014 ; José Miguel López García, La esclavitud a finales del Antiguo Régimen. Madrid, 1701-1837. De moros de presa a negros de nación , Madrid, Alianza Editorial, 2020. En revanche, peu d’études ont été centrées sur le cas des libertinos  : Manuel Lobo Cabrera, Los libertos en la sociedad canaria del siglo xvi , Madrid, Instituto de estudios canarios, 1983 ; A. C. de C. M Saunders, História social dos escravos e libertos negros em Portugal, 1441-1555 , Lisbonne, Imprensa Nacional-Casa da Moeda, 1994 ; Arturo Morgado García, « Los libertos en el Cádiz de la Edad Moderna », Studia Histórica. Historia Moderna , 32, 2010, p. 399‑436.

23 A. Franco Silva, La esclavitud en Andalucía , op. cit. , p. 130‑133.

24 Alessandro Stella, Histoires d’esclaves dans la péninsule Ibérique , Paris, Éd. de l’EHESS, 2000, p. 156‑165.

25 Walter Johnson, « On Agency », Journal of Social History , 37-1, 2003, p. 113‑124 ; Fabienne P. Guillén, «  Agency . Un nouveau dieu invitant au blasphème », in F. P. Guillén et R. Salicrú i Lluch, Ser y vivir esclavo. Identidad, aculturación y agency (mundos mediterráneos y atlánticos, siglos xiii - xviii) , Madrid, Casa de Velázquez, 2021, p. 157-186. Voir, dans ce numéro le compte rendu de cet ouvrage par José Antonio Martínez Torres, p. 807-809. Sur la participation au marché comme processus d’émancipation, voir Laurence Fontaine, Le marché. Histoire et usages d’une conquête sociale , Paris, Gallimard, 2014.

26 De nombreux travaux ont remis en question la séparation nette entre esclavage et travail libre : Marcel van der Linden, Workers of the World: Essays toward a Global Labor History , Leyde, Brill, 2008 ; Alessandro Stanziani, Les métamorphoses du travail contraint. Une histoire globale, xviii e -xix e siècles , Paris, Presses de Sciences Po, 2020.

27 Sur le travail salarié des esclaves, bien étudié pour les xiv e  et xv e  siècles, voir Jacques Heers, Esclaves et domestiques au Moyen Âge dans le monde méditerranéen , Fayard, [1981] 1996, p. 135‑163 ; María Teresa Ferrer i Mallol et Josefina Mutgé i Vives (dir.), De l’esclavitud a la llibertat. Esclaus y lliberts a l’Edat Mitjana. Actes del Col.loqui Internacional celebrat a Barcelona, del 27 al 29 de maig de 1999 , Madrid, Consejo superior de investigaciones científicas/Institución Milá y Fontanals, 2000 ; Josep Hernando i Delgado, Els esclaus islàmics a Barcelona: blancs, negres, llors i turcs. De l’esclavitud a la llibertat, s. xiv , Barcelone, Institució Milà i Fontanals/Departament d’Estudis Medievals, 2003, p. 135‑169 ; Antoni Furió (dir.), n o spécial « Treball esclau i treball assalariat a la baixa edat mitjana », Recerques. Història, Economia, Cultura , 52/53, 2006 ; Antoni Albacete i Gascón, « Les formes d’accés pactat a la llibertad entre esclaus i propietaris a la Barcelona del segle xv », Pedralbes. Revista d’història moderna , 28-2, 2008, p. 465‑484 ; William D. Phillips, Slavery in Medieval and Early Modern Iberia , Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2014. Par ailleurs, toutes ces formes de salariat servile sont attestées dans d’autres régions du monde jusqu’au xix e  siècle : Halil SahillioĞlu, « Slaves in the Social and Economic Life of Bursa in the Late 15th and Early 16th Centuries », Turcica. Revue d’études turques , 17, 1985, p. 43‑112 ; Luiz Carlos Soares, « Os escravos de ganho no Rio de Janeiro do século xix », Revista Brasileira de História , 8-16, 1988, p. 107‑142 ; Beatriz Mamigonian, « Revisitando a ‘transição para o trabalho livre’: a experiência dos africanos livres », in M. Florentino (dir.), Trafico, cativeiro e liberdade. Rio de Janeiro, Seculos xvii - xix , Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2005, p. 389-417 ; Kerry Ward, « Slavery in Southeast Asia, 1420–1804 », in D. Eltis et S. L. Engerman (dir.), The Cambridge World History of Slavery , vol. 3, AD 1420-1804 , Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 163‑185.

28 Matthias van Rossum, « Slavery and Its Transformations: Prolegomena for a Global and Comparative Research Agenda », Comparative Studies in Society and History , 63-3, 2021, p. 566‑598 ; Michael Zeuske, « Historiography and Research Problems of Slavery and the Slave Trade in a Global-Historical Perspective », International Review of Social History , 57-1, 2012, p. 87‑111.

29 Le rôle des municipalités a notamment été largement sous-estimé dans l’encadrement de l’esclavage. La richesse des règlements municipaux en la matière a été souligné par Raúl González Arévalo dans La vida cotidiana de los esclavos en la Castilla del Renacimiento , Madrid, Marcial Pons, 2022.

30 Edward P. Thompson, Les usages de la coutume. Traditions et résistances populaires en Angleterre, xvii e -xix e siècle , trad. par J. Boutier et A. Virmani, Paris, Éd. de l’EHESS/Gallimard/Éd. du Seuil, [1980] 2015 ; Tamar Herzog, « Immemorial (and Native) Customs in Early Modernity: Europe and the Americas », Comparative Legal History , 9-1, 2021, p. 3‑55.

31 Dans l’historiographie de l’esclavage atlantique, le rôle des tribunaux dans la production de « droits coutumiers » des esclaves a été récemment mis en lumière, en soulignant notamment leur capacité à transformer les obligations des maîtres en droits des esclaves. Alejandro de la Fuente, « Slaves and the Creation of Legal Rights in Cuba: Coartación and Papel », Hispanic American Historical Review , 87-4, 2007, p. 659‑692 ; Bianca Premo, The Enlightenment on Trial: Ordinary Litigants and Colonialism in the Spanish Empire , New York, Oxford University Press, 2017, p. 191‑223 ; Adriana Chira, « Freedom with Local Bonds: Custom and Manumission in the Age of Emancipation », The American Historical Review , 126-3, 2021, p. 949‑977. Pour l’Espagne, les sources judiciaires, pourtant abondantes, ont été moins sollicitées par l’historiographie de l’esclavage. Sur ce sujet, voir Javier Fernández Martín, « La esclavitud ante la justicia del rey: el caso de la Chancillería de Granada (ca. 1577-1700) », in M. F. Fernández Chaves, E. França Paiva et R. Pérez García (dir.), Tratas, esclavitudes y mestizajes. Una historia conectada, siglos xv - xviii , Séville, Editorial Universidad de Sevilla, 2020, p. 277‑288.

32 Selon les mêmes mécanismes d’accès à la citoyenneté locale analysés dans Tamar Herzog, Defining Nations: Immigrants and Citizens in Early Modern Spain and Spanish America , New Haven, Yale University Press, 2003 ; Simona Cerutti, Étrangers. Étude d ’, Montrouge, Bayard, 2012 ; Maarten Roy Prak, Citizens without Nations: Urban Citizenship in Europe and the World, c.1000-1789 , Cambridge, Cambridge University Press, 2018.

33 Sally Falk Moore, Law as Process: An Anthropological Approach , Londres/Boston, Routledge & KeganPaul, 1978 ; Fredrik Barth, Process and Form in Social Life , Londres/Boston, Routledge & Kegan Paul, 1981.

34 Sur cette démarche, qui envisage les sources comme des actions, voir en particulier Angelo Torre, « Percorsi della pratica 1966-1995 », Quaderni storici , 30-90/3, 1995, p. 799‑829 ; Simona Cerutti et Isabelle Grangaud, « Sources and Contextualizations: Comparing Eighteenth-Century North African and Western European Institutions », Comparative Studies in Society and History , 59-1, 2017, p. 5‑33 ; Isabelle Grangaud, « Le passé mis en pièce(s). Archives, conflits et droits de cité à Alger, 1830-1870 », Annales HSS , 72-4, 2017, p. 1023‑1053. Pour une discussion d’ensemble de cette démarche, voir Étienne Anheim (dir.), n o spécial « Archives », Annales HSS , 74-3/4, 2019.

35 D’autres témoignages confirment cette dimension visuelle de la présence maghrébine à Carthagène. En 1734, un jésuite regrettait la présence excessive de musulmans dans les ports espagnols, « les uns avec le titre d’esclaves, d’autres comme vendeurs à la sauvette d’amulettes et de petites choses, comme je l’ai vu à Carthagène ». Pedro de Calatayud, Doctrinas prácticas que solía explicar en sus misiones, dispuestas para desenredar y dirigir las conciencias , vol. 1, Valence, Imprenta de Joseph Esteban Dolz, 1737, p. 190.

36 AHN, Consejos, Leg. 147, Exp. 1, fol. 6-11, Joseph Antonio Garcia Vila à l’évêque de Murcie, Carthagène, 16 sept. 1717.

37 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 54, Déposition de Juan Martinez Ballesteros, ancien alguacil mayor de la ville.

38 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 54, Déposition de Juan Martinez Ballesteros, ancien alguacil mayor de la ville, et fol. 70, Déposition de Pedro Minguez Terguel, avocat.

39 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 47, Déposition de Manuel Esteban del Castillo, avocat.

40 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 54, Déposition de Juan Martinez Ballesteros, ancien alguacil mayor de la ville.

41 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 59, Déposition de Bartolomé Garcia Ibarguen.

42 AHN, Consejos, Leg. 147, Exp. 1, fol. 24r-v.

43 Nous nous contentons ici de restituer les données brutes, car nous reviendrons ultérieurement sur les conditions dans lesquelles ce recensement a été mené.

44 En 1691, un musulman « libre » de Puerto Real se révélait être un esclave fugitif de Murcie, « résidant dans cette ville, ayant changé son nom pour celui de Muza, et se faisant passer pour libre ». Puerto Real, Archivo Municipal, Caja 1591/8.

45 AHN, Consejos, Leg. 6987, Exp. 2.

46 AHN, Consejos, Leg. 147, fol. 24-26, Martin de Ibarguen au conseil de Castille, Carthagène, 17 juin 1722.

47 AHN, Consejos, Leg. 147, Exp. 1, fol. 28.

48 AHN, Consejos, Leg. 6987, Exp. 2, fol. 40v. Le volet relatif au gouvernement de la ville se poursuivit durant dix années supplémentaires. Voir Concepción de Castro, La corrupción municipal en la Castilla del siglo xviii , Madrid, ACCI, 2019, p. 90-97.

49 Francisco Chacón Jiménez, « Los moriscos de Lorca y algunos más en 1571 », Anales de la Universidad de Murcia , 40-3/4, 1982, p. 313‑326.

50 Isidoro Martínez Rizo, Fechas y fechos de Cartagena. Primera serie , Carthagène, s. n., 1894, p. 56.

51 Lorca, Archivo municipal, M-77, Philippe III à Diego Sandoval, Tordesillas, 4 déc. 1602. Document relevé par F. Chacón Jiménez, « Los moriscos de Lorca », art. cit., p. 316.

52 Carthagène, Archivo municipal (ci-après AMC), CH 2131, Exp. 2, Ordre royal au corregidor de Murcie, Lorca et Carthagène, Madrid, 16 mars 1615 ; I. Martínez Rizo, Fechas y fechos de Cartagena , op. cit. , p. 114.

53 Juan E. Gelabert, Castilla convulsa, 1631-1652 , Madrid, Marcial Pons, 2001, p. 343‑366 ; Manuel Fernández Chaves et Rafael Pérez García, En los márgenes de la ciudad de Dios. Moriscos en Sevilla , Valence, Publicacions de la Universitat de València, 2009, p. 287‑288. En Andalousie, une levée générale des esclaves avait déjà été décrétée en 1637, suscitant de nombreuses résistances. Antonio Domínguez Ortiz, La esclavitud en Castilla en la Edad Moderna y otros estudios de marginados , Grenade, Comares, 2004, p. 34‑37.

54 Murcie, Archivo municipal (ci-après AMM), Reales provisiones, Leg. 787, n o  106.

55 AMM, Actas capitulares, 4 juill. 1662, fol. 187v, et 23 sept. 1662, fol. 240r. Cet ordre a été publié dans toutes les villes du sud de l’Espagne.

56 Novísima Recopilación de las Leyes de España , vol. 5, libro XII, título II, Expulsión general de todos los moros llamados cortados o libres (Buen Retiro, 29 sept. 1712).

57 José Javier Ruiz Ibáñez et Vicente Montojo Montojo, Entre el lucro y la defensa. Las relaciones entre la Monarquía y la sociedad mercantil cartagenera , Murcie, Real Academia Alfonso X el Sabio, 1998 ; Julio D. Muñoz Rodríguez et José Javier Ruiz Ibáñez, « De personas y de territorios. La defensa del reino de Murcia entre los siglos xv y la primera mitad del siglo xviii », Obradoiro de Historia Moderna , 30, 2021, p. 71‑100.

58 Alain Cabantous, Les côtes barbares. Pilleurs d’épaves et sociétés littorales en France, 1680-1830 , Paris, Fayard, 1993 ; Francesca Trivellato, « ‘Amphibious Power’: The Law of Wreck, Maritime Customs, and Sovereignty in Richelieu’s France », Law and History Review , 33-4, 2015, p. 915‑944 ; David Cressy, Shipwrecks and the Bounty of the Sea , Oxford, Oxford University Press, 2022. Cette manière de construire la juridiction royale le long des littoraux entretient une parenté évidente avec le droit de naufrage qui affirmait la prééminence royale sur les biens échoués au détriment des juridictions riveraines.

59 Sur le statut des rivages comme res publica , voir Guillaume Calafat, Une mer jalousée. Contribution à l’histoire de la souveraineté, Méditerranée, xvii e siècle , Paris, Éd. du Seuil, 2019, p. 32‑33.

60 Sur le statut des biens sans maître en Espagne, voir Thomas Glesener, « La Cruzada et l’administration des biens vacants en Espagne (xv e -xviii e  siècles) », L’Atelier du Centre de recherches historiques , 22, 2020, https://doi.org/10.4000/acrh.10966. À Oran, la figure du musulman mostrenco (sans maître) désignait un musulman libre qui n’était pas un moro de paz , et qui, par conséquent, pouvait être réduit en esclavage. Voir B. Alonso Acero, Orán-Mazalquivir , op. cit. , p. 278.

61 Yan Thomas, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », Annales HSS , 57-6, 2002, p. 1431‑1462 ; Simona Cerutti, « À qui appartiennent les biens qui n’appartiennent à personne ? Citoyenneté et droit d’aubaine à l’époque moderne », Annales HSS , 62-2, 2007, p. 355‑383.

62 Séville, Archivo Histórico Provincial, Colección Celestino López Martínez, n o 23834, Ordre royal décrétant la levée forcée des esclaves turcs et maghrébins pour servir sur les galères, Madrid, 12 avr. 1639. Cet ordre demandait à la chancellerie de Grenade de commencer par « ceux qui sont perdus et [de ce fait] qui m’appartiennent ». Ce type de confiscation royale pouvait d’ailleurs être contesté par les maîtres. En 1655, 39 esclaves envoyés aux galères « parce qu’ils vivaient sur les côtes » furent réclamés par leurs propriétaires légitimes qui exigèrent du roi qu’il les libère ou, à défaut, qu’il les leur achète. Madrid, Archivo del Museo Naval, Leg. 54, Ms. 56/62, Ordre royal au comte de Linares, capitaine général des galères, Madrid, 2 mars 1655.

63 AHN, Consejos, Leg. 147. À Séville, un rapport indiquait que « les musulmans captifs ne vivent pas dans la maison de leurs maîtres, mais vaquent comme journaliers, se prévalant de ce [travail] pour qu’on ne puisse pas les expulser de cette terre ». Cité par A. Domínguez Ortiz, La esclavitud en Castilla , op. cit. , p. 60. En 1626, le député de Grenade aux Cortès de Castille dénonçait les esclaves musulmans qui payaient leur rachat mais « laiss[ai]ent un reste afin de ne pas être expulsés comme le veut la loi ». Antonio Domínguez Ortiz et Bernard Vincent, Historia de los moriscos. Vida y tragedia de una minoría , Madrid, Alianza Editorial, 1985, p. 265. Cette pratique a également été signalée par Jacques Philippe Laugier de Tassy pour les esclaves chrétiens du Maghreb dont certains « achètent le droit d’être esclaves pendant longtemps, ou pendant toute leur vie […] et ne payent point le reste du prix convenu de leur rançon pour avoir le nom d’esclave et être protégés comme tels ». Jacques Philippe Laugier de Tassy, Histoire du royaume d’Alger, avec l’état présent de son gouvernement , Amsterdam, Henri Du Lauzet, 1725, p. 281.

64 AMC, CH 2148, Exp. 3, Ordre du roi pour l’enregistrement des musulmans esclaves et libertinos , El Pardo, 28 mai 1679.

65 Sur l’enregistrement des musulmans, voir AMM, Leg. 3082, Exp. 10, Registro de moros y moras declarándolos libres para el canje de prisioneros de África , 1690. Voir aussi Manuel Jesús Izco Reina, « El censo de moros de 1690 en Puerto Real. Un caso de intercambio de cautivos moros y cristianos bajo el reinado de Carlos II », in Amos esclavos y libertos, Estudios sobre la esclavitud en Puerto Real durante la Moderna , Cadix, Universidad de Cádiz, 2002, p. 81‑97.

66 Gillian Weiss, Captifs et corsaires. L’identité française et l’esclavage en Méditerranée , trad. par A.-S. Homassel, Toulouse, Anacharsis, 2014 ; Michele Bosco, Ragion di stato e salvezza dell’anima. Il riscatto dei cristiani captivi in Maghreb attraverso le redenzioni mercedarie, 1575-1725 , Florence, Firenze University Press, 2018.

67 Cette proportion a été établie sur la base du ratio de baptêmes d’esclaves par rapport à l’ensemble des baptêmes. La proportion de 5,5 % a été calculée à partir des registres de baptêmes des années 1688-1692 (105 esclaves pour 2 003 mentions de baptême). En ne choisissant que l’année 1692, où le nombre de baptêmes d’esclaves a été le plus élevé, Rafael Torres Sánchez aboutit à un ratio de 8 % (Rafael Torres Sánchez, « La esclavitud en Cartagena en los siglos xvii y xviii », Contrastes. Revista de Historia Moderna , 2, 1986, p. 81-102, ici p. 87). Les données pour Madrid proviennent de Claude Larquié, « Les esclaves de Madrid à l’époque de la décadence (1650-1700) », Revue historique , 244-1 (495), 1970, p. 41-74, ici p. 55. Pour l’Extrémadure : R. Periáñez Gómez, Negros, mulatos y blancos , op. cit. , p. 60‑61. Pour Cadix : A. Morgado García, Una metrópoli esclavista , op. cit. , p. 133.

68 Antonio Peñafiel Ramon, Amos y esclavos en la Murcia del setecientos , Murcie, Real Academia Alfonso X el Sabio, 1992, p. 74‑75. Sur l’esclavage rural, voir Bernard Vincent, « L’esclavage en milieu rural espagnol au xvii e  siècle : l’exemple de la région d’Almería », in H. Bresc (dir.), Figures de l’esclave au Moyen Âge et dans le monde moderne , Paris, L’Harmattan, 1996, p. 165‑176.

69 A. Franco Silva, La esclavitud en Andalucía , op. cit. , p. 39‑52.

70 Guy Lemeunier, Economía, sociedad y política en Murcia y Albacete, s. xvi-xvii , Murcie, Academia Alfonso X el Sabio, 1990 ; Vicente Montojo Montojo, El Siglo de Oro en Cartagena, 1480-1640. Evolución económica y social de una ciudad portuaria del Sureste español y su comarca , Carthagène/Murcie, Ayuntamiento de Cartagena/Real Academia Alfonso X el Sabio/Universidad de Murcia, 1993.

71 Roser Salicrú i Lluch, « L’esclau com a inversió ? Aprofitament, assalariament i rendibilitat del treball en l’entorn català tardomedieval », Recerques. Història, economia i cultura , 52/53, 2006, p. 49‑85.

72 AHN, Consejos, Leg. 6987, Exp. 2, fol. 56-57.

73 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 55.

74 Federico Maestre de San Juan Pelegrín, « La influencia de la escuadra de galeras de España en la ciudad de Cartagena. Sociedad, entramado urbano y devociones », Cartagena Histórica , 2017.

75 Natividad Planas, « Musulmans invisibles ? Enquête dans les territoires insulaires du roi d’Espagne (xvi e -xvii e  siècle) », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe , vol. 1, op. cit. , p. 558‑592.

76 Murcie, Archivo General de la Región de Murcia (ci-après AGRM), Protocolos, Cartagena, Pedro Lorenzo Galinsoga, prot. 5223, fol. 14, Acte de vente, Carthagène, 27 avr. 1694.

77 Ce cas de figure concerne notamment des moros de paz réduits en esclavage pour des dettes contractées auprès des Espagnols d’Oran. Bernard Vincent, « L’esclavage dans la péninsule Ibérique à l’époque moderne », in M. Cottias, É. Cunin et A. de Almeida Mendes (dir.), Les traites et les esclavages. Perspectives historiques et contemporaines , Paris, Karthala, 2010, p. 67‑75 ; Érika Rincones Minda, « Muslim Sequential Mobilities: Merdia Ben Hazman, an ‘Exceptional’ Case in the Early Modern Spanish Mediterranean », Journal of Iberian and Latin American Studies , 28-3, 2022, p. 371‑385. Cette pratique de la mise en gage doit être rapprochée du pawnship pratiqué en Afrique de l’Ouest : Toyin Falola et Paul E. Lovejoy (dir.), Pawnship in Africa: Debt Bondage in Historical Perspective , Boulder, Westview Press, 1994. La distinction entre captif de guerre, esclave pour dettes et mise en gage a fait l’objet de débats. Voir Alessandro Stanziani et Gwyn Campbell (dir.), Debt and Slavery in the Mediterranean and Atlantic Worlds , Londres, Pickering & Chatto, 2013.

78 Barcelone, Archivo de la Corona de Aragon, Consejo de Aragon, Leg. 911, n o 106 et Leg. 557, n o 21. Sur l’affranchissement des esclaves au Maghreb et la pratique des contrats de rachat (al-mukātaba), voir José Antonio Martínez Torres, Prisioneros de los infieles. Vida y rescate de los cautivos cristianos en el mediterráneo musulmán, siglos xvi-xvii , Barcelone, Bellaterra, 2004, p. 119‑120 ; Wolfgang Kaiser (dir.), Le commerce des captifs. Les intermédiaires dans l’échange et le rachat des prisonniers en Méditerranée, xv e -xviii e siècle , Rome, École française de Rome, 2008 ; Daniel Hershenzon, The Captive Sea: Slavery, Communication, and Commerce in Early Modern Spain and the Mediterranean , Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2018, p. 29 ; M’Hamed Oualdi, « Affranchissement », in P. Ismard (dir.), Les mondes de l’esclavage. Une histoire comparée , Paris, Éd. du Seuil, 2021, p. 409‑417.

79 L’articulation entre dette et esclavage a alimenté de nombreux débats. Alain Testart, L’esclave, la dette et le pouvoir. Études de sociologie copmparative , Paris, Errance, 2001. Pour une présentation synthétique, voir Paulin Ismard, « Dette », in P. Ismard (dir.), Les mondes de l’esclavage , op. cit. , p. 475‑485.

80 Une évolution étymologique que les dictionnaires ont le plus grand mal à expliquer, faute d’envisager l’esclavage sous l’angle de la dette.

81 AGRM, Protocolos, Cartagena, Pedro Lorenzo Galinsoga, Prot. 5695, fol. 123.

82 Mula, Archives municipales, FMA, Leg. 35bis-40.

83 Ces pratiques ont été bien documentées, en particulier par A. Martín Casares, La esclavitud en la Granada del siglo xvi , op. cit. , p. 449-455.

84 A. Peñafiel Ramon, Amos y esclavos en la Murcia del setecientos , op. cit. , p. 70.

85 A. Domínguez Ortiz, La esclavitud en Castilla , op. cit. , p. 63.

86 AHN, Estado, Leg. 409, Luis Belluga, évêque de Murcie, à Joseph Grimaldo, Moratalla, 12 oct. 1711.

87 Rafael Benítez Sánchez-Blanco, « El difícil regreso a su patria de los moros libertos y el problema de su conversión en el siglo xvii », in A. Martín Casares (dir.), Esclavitud, mestizaje y abolicionismo en los mundos hispánicos , Grenade, Editorial de la Universidad de Granada, 2015, p. 265-283.

88 Henri Pérès, L’Espagne vue par les voyageurs musulmans de 1610 à 1930 , Paris, Adrien-Maisonneuve, 1937, p. 26.

89 Sur la cession des dettes « aux pauvres », voir Simona Cerutti, « La richesse des pauvres. Charité et citoyenneté à Turin au xviii e  siècle », in S. Bargaoui, S. Cerutti et I. Grangaud (dir.), Appartenance locale et propriété au nord et au sud de la Méditerranée , Aix-en-Provence, IREMAM, 2015, http://books.openedition.org/iremam/3497.

90 Yann Moulier-Boutang, De l’esclavage au salariat. Économie historique du salariat bridé , Paris, PUF, 1998 ; Matthias Van Rossum, « Global Slavery, Local Bondage? Rethinking Slaveries as (Im)Mobilizing Regimes from the Case of the Dutch Indian Ocean and Indonesian Archipelago Worlds », Journal of World History , 31-4, 2020, p. 693‑727.

91 De manière générale, travail et résidence étaient fréquemment associés dans l’Europe d’Ancien Régime. Voir Michela Barbot, « La résidence comme appartenance. Les catégories spatiales et juridiques de l’inclusion sociale dans les villes italiennes sous l’Ancien Régime », Histoire urbaine , 36-1, 2013, p. 29‑47.

92 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 71v.

93 Siete Partidas , Partida IV, Titulo 2, Ley 7.

94 Sue Peabody, “There Are No Slaves in France”: The Political Culture of Race and Slavery in the Ancien Régime , New York, Oxford University Press, 1996.

95 Auguste Cherbonneau, Dictionnaire arabe-français , vol. 1, Paris, Imprimerie nationale, 1876, p. 140 ; Franz Rosenthal, The Muslim Concept of Freedom, Prior to the Nineteenth Century , Leyde, Brill, 1960, p. 7‑14.

96 Janine Cels-Saint-Hilaire, « Citoyens romains, esclaves et affranchis : problèmes de démographie », Revue des études anciennes , 103-3/4, 2001, p. 443‑479.

97 Gabriel Audisio, « Recherches sur l’origine et la signification du mot ‘bagne’ », Revue africaine , 101, 1957, p. 364‑380. Sur les bagnes des galériens, voir Salvatore Bono, Schiavi. Una storia mediterranea, xvi-xix secolo , Bologne, Il Mulino, 2016, p. 192‑201 ; Guillaume Calafat et Cesare Santus, « Les avatars du ‘Turc’. Esclaves et commerçants musulmans en Toscane (1600-1750) », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe , vol. 1, op. cit. , p. 471‑522 ; C. Santus, Il « turco » a Livorno , op. cit. , p. 28‑52.

98 AHN, Estado, Leg. 1749. À Tunis, les « bagnes » hébergeaient également des esclaves chrétiens soumis au régime du salariat qui ne vivaient plus dans la maison de leurs maîtres. Jean-Baptiste de La Faye, État des royaumes de Barbarie, Tripoly, Tunis et Alger, contenant l’histoire naturelle et politique de ces pays [...] , Rouen, Guillaume Behourt, 1703, p. 187.

99 Inès Mrad Dali, « Problématique du phénotype. Approche comparative des esclavages dans la Tunisie du xix e  siècle », in R. Botte et A. Stella (dir.), Couleurs de l’esclavage sur les deux rives de la Méditerranée, Moyen Âge-xx e siècle , Paris, Karthala, 2012, p. 337‑369 ; Guillaume Calafat, « Topographies de ‘minorités’. Notes sur Livourne, Marseille et Tunis au xvii e  siècle », Liame , 24, 2012, https://doi.org/10.4000/liame.271; Isabelle Grangaud, « L’asile des biens des pauvres (Alger, xviii e -xix e  siècles) », in S. Cerutti, T. Glesener et I. Grangaud (dir.), La cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté , Toulouse, Anacharsis, à paraître.

100 Brian A. Catlos, Muslims of Medieval Latin Christendom, c. 1050-1614 , Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 350‑420 ; Ana Echevarría Arsuaga, Los mudéjares de la Corona de Castilla. Poblamiento y estatuto jurídico de una minoría , Grenade, Editorial Universidad de Granada, 2021. Dans certaines localités, les communautés mudéjars vécurent dans des quartiers séparés jusqu’au début du xvii e  siècle. Bernard Vincent, « Espace public et espace privé dans les villes andalouses (xv e -xvi e  siècles) », in J.-C. Maire Vigueur (dir.), D’une ville à l’autre. Structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes, xiii e -xvi e siècle , Rome, École française de Rome, 1989, p. 711‑724.

101 A. Domínguez Ortiz, La esclavitud en Castilla , op. cit. , p. 60 ; M. Fernández Chaves et R. Pérez García, En los márgenes de la ciudad de Dios , op. cit. , p. 443‑449.

102 Fabienne Plazolles Guillén, « Moro den Miralles ou moro d’Elx. Conservation et/ou élision de l’identité religieuse du singulier au pluriel. Royaumes de la couronne d’Aragon (xiv e -xvi e  siècle) », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe , vol. 1, op. cit. , p. 523‑555.

103 Mula, Archivo municipal, FMA, Leg. 47-17. Cette référence avait été signalée par B. Vincent, « Les musulmans dans l’Espagne moderne », art. cit., p. 626.

104 Grenade, Archivo municipal, Actas capitulares, 1657, fol. 529r-v. Cette référence avait été signalée par Bernard Vincent, « Musulmans et conversion en Espagne au xvii e  siècle », in M. García-Arenal (dir.), Conversions islamiques. Identités religieuses en Islam méditerranéen , Paris, Maisonneuve et Larose, 2001, p. 193-205, ici p. 195.

105 Sur les voisinages comme ensembles de droits et d’obligations, voir Jacqueline David, « Les solidarités juridiques de voisinage, de l’ancien droit à la codification », Revue historique de droit français et étranger , 72-3, 1994, p. 333‑366. La hawma (Maghreb) et la mahalle constituent des notions équivalentes à celle de voisinage pour le monde musulman. Hülya Canbakal, « Some Questions on the Legal Identity of Neighborhoods in the Ottoman Empire », Anatolia Moderna. Yeni Anadolu , 10, 2004, p. 131‑138 ; Işik Tamdoğan, « Le quartier ( mahalle ) de l’époque ottomane à la Turquie contemporaine », Anatolia moderna. Yeni anadolu , 10, 2004, p. 123‑125 ; Isabelle Grangaud, « La Hawma : les processus de disqualification d’une institution ottomane (Alger 1830) », Insaniyat. Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales , 59, 2013, p. 105‑132.

106 Donatella Calabi et Jacques Bottin, Les étrangers dans la ville. Minorités et espace urbain du bas Moyen Âge à l’époque moderne , Paris, Éd. de la MSH, 1999. Sur la différence entre domicile et résidence, voir Guillaume Calafat, « Domicile des capitaines, nationalité des navires (Antibes-Gênes, 1710-1720) », in S. Cerutti, T. Glesener et I. Grangaud (dir.), La cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté , Toulouse, Anacharsis, à paraître.

107 Jorge Gil Herrera et Bernard Vincent, « La población berberisca en Málaga en el siglo xvii », in F. Moreno Díaz del Campo et B. Franco Llopis (dir.), Otras historias: conversos, moriscos y esclavos. Nuevas visiones para viejos problemas , Gijón, Ediciones Trea, 2023, p. 187‑203.

108 A. Domínguez Ortiz, La esclavitud en Castilla , op. cit. , p. 63. Cela explique également la pratique courante du marquage physique, par des cicatrices ou des tatouages. Fabrizio Filioli Uranio, « Embodied Dependencies and Valencian Slavery in the Sixteenth and Seventeenth Centuries », Working Papers 2/22 , Bonn, Bonn Center for Dependency and Slavery Studies, 2022, https://doi.org/10.48565/bonndoc-62.

109 À Ayamonte, les autorités municipales interdisaient aux habitants de se rendre dans une partie de la ville où vivaient les musulmans et contrôlée par un personnage influent, Cidauleques. B. Vincent, « Les musulmans dans l’Espagne moderne », art. cit., p. 628.

110 AHN, Estado, Leg. 421. Luis Belluga, évêque de Murcie, à Joseph Grimaldo, Murcie, 25 oct. 1712.

111 AHN, Consejos, Leg. 6988, Exp. 2, fol. 47v, Déposition de Manuel Esteban del Castillo, avocat.

112 Simancas, province de Valladolid, Archivo General de Simancas, Guerra moderna, Sup. 494, Relación de las personas de las familias de moros que salieron de las plazas de Oran y Mazarquivir a quienes ha concedido Su Majestad raciones de pan diarias .

113 On sait en effet que les musulmans d’Oran intervenaient dans le marché des esclaves à Murcie et Carthagène pour racheter (et probablement affranchir) un certain nombre d’esclaves privés. A. Peñafiel Ramon, Amos y esclavos en la Murcia del setecientos , op. cit. , p. 45.

114 Par exemple, en 1723, le registre de l’impôt du sel mentionnait pour la rue Jimero les contribuables suivants : Ali, musulman libertino  ; Amete Conejillo, vendeur d’eau ; Amete, tailleur ; Garrafa, musulman libre ; Hudaia, musulman.

115 Olivier Zeller, « Un mode d’habiter à Lyon au xviii e  siècle : la pratique de la location principale », Revue d’histoire moderne et contemporaine , 35-1, 1988, p. 36‑60.

116 AHN, Estado, Leg. 409, Luis Belluga, évêque de Murcie, à Joseph Grimaldo, Moratalla, 12 oct. 1711.

117 AHN, Consejos, Leg. 6987, Exp. 2, fol. 4r-5v.

118 Pour une lecture de l’identité en tant qu’acte revendicatif, voir Alessandro Buono, «  Tener Persona . Sur l’identité et l’identification dans les sociétés d’Ancien Régime », Annales HSS , 75-1, 2020, p. 75‑111.

119 Par exemple, Ali, un esclave de Tunis âgé de 102 ans, appartenant à Damian Rosique, fut affranchi en février 1723. Il ne figurait pas dans le recensement dressé en 1720. AGRM, Protocolos, Cartagena, Pedro Sola, Prot. 6172, fol. 148r-v.

120 José Javier Ruiz Ibañez, Las dos caras de Jano. Monarquía, ciudad e individuo. Murcia, 1588-1648 , Murcie, Ayuntamiento, 1995, p. 263‑286.

121 AHN, Consejos, Leg. 7181, Exp. 25.

122 AHN, Consejos, Leg. 147, Exp. 1, fol. 28r-v, Le comte d’Arschot au marquis de Miraval, Carthagène, 2 janv. 1723.

123 Melchor García Navarro, Redenciones de cautivos en África, 1723-1725 , éd. par M. Vázquez Pájaro, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas/Instituto Jerónimo Zurita, 1946, p. 48 (nous soulignons).

124 AMC, Actas capitulares, 1723-1726, fol. 1v-2r.

125 Eduardo Galván Rodríguez, La abolición de la esclavitud en España. Debates Parlamentarios, 1810-1886 , Madrid, Librería-Editorial Dykinson, 2014.

126 Ramon Lourido Diaz, « Hacía la desaparición de la esclavitud cristiano-musulmana entre Marruecos y Europa (siglo xviii) », Cuadernos de la Biblioteca española de Tetuán , 5, 1972, p. 47‑80.

127 A. Morgado García, Una metrópoli esclavista , op. cit. , p. 144‑151 ; J. M. López García, La esclavitud a finales del Antiguo Régimen , op. cit. , p. 85‑113.